05/12/2017 - mise à jour 19/06/2024

Les sociétés doivent désormais déclarer les personnes physiques qui les contrôlent : les bénéficiaires effectifs


La lutte contre le blanchiment d'argent et le terrorisme a donné lieu à une directive européenne de 2015 (4ème directive lutte anti-blanchiment - LAB) qui a été transposée en France par une ordonnance du 1er décembre 2016, complétée par un décret du 12 juin 2017. Selon ces textes, les sociétés immatriculées au registre du commerce sont tenues de déclarer leurs bénéficiaires effectifs au plus tard le 1er avril 2018.

Sociétés assujetties à l'obligation de dépôt d'une déclaration
Il s'agit des sociétés commerciales et civiles, des GIE, des associations immatriculées au RCS et des organismes de placement collectif. Les sociétés cotées sont exemptées de cette obligation, mais pas leurs filiales et participations, qui doivent donc déclarer les bénéficiaires effectifs des sociétés cotées. Un décret à venir apportera sans doute des précisions utiles sur de dernier point.

Modalités de déclaration
Les imprimés sont disponibles sur infogreffe.fr. Ils contiennent outre les renseignements d'identification du déclarant, les informations suivantes relatives aux bénéficiaires effectifs :

- Nom, nom d'usage, prénoms
- Date et lieu de naissance
- Nationalité
- Adresse
- Modalités de contrôle de la société
- Date à laquelle ils sont devenus bénéficiaire effectif

Le dépôt de l'imprimé est obligatoire pour les sociétés nouvelles immatriculées depuis le 1er août 2017, les autres sociétés ont un délai de régularisation jusqu'au 1er avril 2018. Le coût du dépôt est de 24,80 euros à la création, et de 54,42 euros pour la régularisation (sociétés déjà créées). Toute modification du document déposé initialement doit être effectuée dans un délai de 30 jours (coût de 48,49 euros).
Le non-respect de ces obligations entraîne des sanctions : injonction du Président du Tribunal de commerce, amendes, peines d'emprisonnement, interdiction de gestion.
Les documents déposés ne sont pas publics, ils sont accessibles au représentant légal de la société ayant effectué le dépôt, à certaines entités judiciaires, administratives et fiscales, ainsi qu'aux entités assujetties à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ou à toute personne ayant un intérêt légitime (sur ordonnance d'un juge).

Identification des bénéficiaires effectifs
Les bénéficiaires effectifs sont les personnes qui :

- détiennent, directement ou indirectement, plus de 25% du capital ou des droits de vote ;
- ou qui exercent un pouvoir de contrôle sur la direction ou les organes d'administration de la société, ou sur l'assemblée générale des associés ;
- ou, à défaut, qui représentent légalement la société.

1/ Méthode de calcul des 25% de détention lorsque la détention de 25% des droits de vote ou du capital est indirecte
Il y a deux méthodes de calcul possibles :
- produit des pourcentages de détention : un actionnaire à 40% d'une société A qui détient 70% du capital d'une société B est lui-même considéré comme ayant 40% x 70% = 28% de la société B ;
- une personne qui a un pouvoir de contrôle sur une société A (au sens défini au paragraphe suivant) est considérée comme bénéficiaire effectif dans une société B dont la société A détient 25% au moins du capital ou des droits de vote.
La qualité de bénéficiaire effectif est à retenir si elle se vérifie par l'une ou l'autre méthode, par prudence.

2/ Pouvoir de contrôle
Selon l'article L 233-3 du Code de commerce, une personne physique qui détient dans une société A la majorité des droits de vote, ou le pouvoir de déterminer les décisions d'assemblée, ou de nommer les dirigeants exerce un pouvoir de contrôle sur cette société, et est donc un bénéficiaire effectif.

3/ Critère par défaut
Le représentant légal de la société (gérant, président, directeur général, dirigeant) est désigné comme bénéficiaire effectif si les critères de détention de 25% du capital ou des droits de vote, ou d'exercice d'un pouvoir de contrôle ne sont pas applicables.
Il peut ne pas y avoir de personnes physiques répondant à ces critères si l'actionnariat est dispersé.
L'identité des bénéficiaires effectifs peut ne pas être connue du déclarant : existence de sociétés écran rendant opaque l'actionnariat. Ou bien la société ne souhaite pas divulguer l'identité des bénéficiaires effectifs. Ces derniers cas sont admis selon la législation européenne dans la mesure où il n'y a pas de motif de suspicion, et de façon exceptionnelle (Directive (UE) 2015/849 du 20 mai 2015 : art. 3 & considérant 13).

4/ Cas particuliers
Dans le cas où la propriété des titres est démembrée, le nu-propriétaire comme l'usufruitier peuvent être des bénéficiaires effectifs.
De même dans le cas d'une indivision détenant plus de 25% des droits de vote ou du capital, c'est l'ensemble des copropriétaires qui seraient des bénéficiaires effectifs.

Fermeture du registre des bénéficiaires effectifs
A compter de juillet 2024, le registre des bénéficiaires effectifs ne sera plus accessible au public. "La CJUE a décidé que ces dispositions sont en conflit avec les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui garantissent le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel."
Les entreprises devront encore déclarer leurs bénéficiaires effectifs au greffe, donc l'Etat aura toujours connaissance de ces informations.


Transparence financière : la France fermera son Registre des bénéficiaires effectifs
L'accès au registre des bénéficiaires effectifs par le grand public
Décret n° 2017-1094 du 12 juin 2017 relatif au registre des bénéficiaires effectifs définis à l'article L. 561-2-2 du code monétaire et financier
Ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
Directive (UE) 2015/849 du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux

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