21/09/2020

Innover pendant et malgré la crise


Pour la plupart des entreprises, l'arrivée brutale d'une crise a pour conséquence immédiate la révision des priorités stratégiques. Un programme d'innovation passe souvent au second rang quand l'urgence est de consolider l'activité principale, de minimiser les risques et de préserver la trésorerie.
Il est effectivement difficile de continuer à innover en période de grande incertitude, mais il est dangereux aussi d'arrêter de créer de nouveaux produits et services alors que l'environnement évolue rapidement. La nécessité d'une adaptation aux conditions nouvelles créées par la crise rend l'innovation d'autant plus essentielle alors que les moyens disponibles deviennent plus rares.
L'environnement changeant est à surveiller attentivement, les crises apportent des contraintes et aussi bien souvent des opportunités. Le caractère vital de la poursuite de l'innovation ne fait guère de doute. Si une entreprise ne veut pas perdre du terrain dans la compétition pour les marchés qui, elle, ne s'arrêtera pas, elle doit innover au moins autant que ses concurrents.

Quelques bonnes raisons d'innover dans des temps difficiles

En période de crise, les entreprises subissent de fortes contraintes : peu de temps pour réagir, moins de moyens disponibles. Cependant les incitations pour innover sont fortes.
Tout d'abord, dans l'urgence, il est plus facile de lever les obstacles habituels à l'innovation, comme la lourdeur d'une organisation, la résistance au changement, la croyance que les choses qui ont toujours été ainsi ne peuvent plus être modifiées. Dans la pression du moment toutes les forces de l'entreprise peuvent s'unifier dans un but commun de transformation et d'innovation.
Les innovations d'efficacité et de réduction des coûts sont les premières à privilégier. Avec la tension causée par la crise, les faiblesses d'une organisation apparaissent de façon plus évidente, ainsi que la nécessité de simplifier les structures, et de rendre les décisions plus rapides. Dans cette démarche, la participation des employés, en particulier ceux qui sont proches du terrain, est importante pour trouver des moyens d'améliorer la productivité et l'efficacité, ou pour identifier des zones d'économies potentielles.
Afin de préserver le plus possible la rentabilité, ou de contourner de nouveaux obstacles comme l'impossibilité de continuer à s'approvisionner en certains composants, les entreprises sont obligées de réfléchir et de trouver de nouvelles solutions innovantes et créatrices de valeur.
Autre opportunité : pendant une période de difficulté économique, les ressources internes ne sont plus toujours pleinement utilisées. Cette sous-activité, qui peut ne concerner que certains secteurs d'une entreprise, permet de dégager des ressources pour innover dans les domaines les plus dynamiques ou investir dans des nouvelles technologies. Certains employés disposant de compétences particulières ont plus de temps à consacrer à l'innovation.
Les temps de crise sont aussi favorables pour rechercher et embaucher du personnel très qualifié, acquérir des actifs et équipements dans de bonnes conditions, voire racheter d'autres sociétés en vue de repartir d'autant plus vigoureusement lorsque la reprise économique sera là.

Incidence de la nouvelle situation sur les innovations en cours ou envisagées

La situation nouvelle impose de reconsidérer l'ensemble des programmes d'innovation déjà en cours ou prévus dans l'entreprise avant la crise.
Il faut faire un tri, et éliminer les programmes les moins rentables ou qui risquent d'entraîner des dépenses dépassant les possibilités financières prévisibles dans les conditions actuelles. D'autres programmes ayant une rentabilité plus immédiate, ou offrant des perspectives intéressantes sur les marchés futurs identifiés sont à conserver ou développer. Les moyens financiers limités sont alors concentrés sur un plus petit nombre d'innovations.
Dans un monde qui a changé ou qui est en train de changer, les nouvelles priorités stratégiques doivent être clairement définies. Pour cela, différents critères de sélection propres à chaque entreprise sont à utiliser. Certains critères semblent toutefois s'appliquer à la plupart des innovations : valeur ajoutée, simplicité de mise en ouvre, validation possible par des données concrètes et vérifiables, rapidité du retour sur investissement, coût total du développement comparé au cash flow prévu.
En période de crise puis de sortie de crise, les entreprises réagissent en pratiquant différents types d'innovation qui peuvent être décrits et caractérisés en en fonction de l'horizon temporel dans lequel ils s'inscrivent.
Les réflexions qui suivent dans ce paragraphe sont tirées, en partie, d'un article récent publié sur le site du Club de Paris des Directeurs de l'Innovation 1 .

Innovations de relance de l'activité

Dans un premier temps, des problèmes nombreux apparus avec la crise sont à régler à court terme. Des solutions inventives et innovantes permettent de lever des blocages de tous ordres : chaîne d'approvisionnement rompue, questions sanitaires et de sécurité, modalités de travail à distance, nouveaux moyens de distribution ou de connexion aux marchés.
L'entreprise peut s'appuyer pour cela sur des technologies existantes, qu'elle possède déjà ou qu'elle emprunte à l'extérieur. Il peut y avoir une réaffectation des ressources internes, des moyens et des techniques en place pour trouver des solutions. Les contacts entre le terrain, les opérations et les équipes d'innovation sont déterminants à ce niveau.
Les innovations peuvent concerner aussi bien l'organisation et les procédures que les produits et les services eux-mêmes, mais elles n'impliquent pas en principe d'investir des montants considérables. Il s'agit d'améliorations souvent modestes qui apportent de la valeur, sans remettre en cause le business model ou exiger des délais importants. L'objectif est de diminuer les coûts par une meilleure efficacité, de baisser les prix ou d'apporter une valeur ajoutée nouvelle aux clients, tout en augmentant les marges pour retrouver des ventes satisfaisantes et maintenir la profitabilité.

Innovation à effets à moyen terme

Il s'agit, pour l'essentiel, d'ajustements, de mises au point et d'adaptations diverses, avec des coûts de développement relativement limités, et une implémentation dans un délai d'un an à deux ans maximum. Les innovations peuvent être facilitées par l'intégration ou la combination de techniques existantes, la coopération avec d'autres entreprises ou des organismes.
L'objectif est d'optimiser l'offre de l'entreprise pour l'adapter aux conditions nouvelles. En plus de la rationalisation de la gamme, et éventuellement un mix différent entre les produits ou les services, les innovations comportent en particulier la création de versions d'entrée de gamme moins chères, plus accessibles ou simplifiées. Les versions haut de gamme sont néanmoins conservées et adaptées: la demande reste conséquente pour différentes raisons : acquéreurs ayant des moyens importants, ou bien un besoin spécifique de reconnaissance sociale.
L'innovation est à utiliser dans un ensemble de domaines, pour "repenser la gamme de produits, les méthodes de production, les systèmes d'information, les styles managériaux" 2 . La période est propice à l'optimisation de la technologie, de la chaîne d'approvisionnement, de la distribution.
Parmi les éléments facilitant ces adaptations souhaitables on peut citer : une culture plus favorable à l'innovation, une décentralisation plus grande de la prise de décisions, l'exploitation intelligente des compétences des employés, l'encouragement à trouver des solutions créatives en interne sans laisser planer le risque de sanction en cas d'échec, l'ouverture sur l'extérieur pour l'utilisation de nouvelles technologies etc.
Il y a bien sûr des limites à fixer et des précautions à prendre dans cette démarche d'innovation systématique. Les projets doivent démontrer leur efficacité dans des délais assez brefs, ce qui permet un retour d'expérience relativement rapide, et donc un plafonnement des frais si les résultats ne s'annoncent pas suffisants. Les coûts doivent être bien maîtrisés, et en rapport avec les bénéfices attendus.
Il y a un danger à signaler : des adaptations sélectionnées dans une période de crise pourraient devenir moins pertinentes avec un retour progressif à la normale, une certaine réversibilité des actions doit être envisagée dès le départ. Il est important d'avoir en permanence une vue d'ensemble sur l'environnement et le marché, leur évolution probable, les stratégies des concurrents etc.

Innovations plus fondamentales destinées au monde de l'après-crise

Ces innovations correspondent à des programmes plus classiques, utilisant des moyens substantiels et des équipes formées pour la recherche et le développement, qui débouchent en général sur des résultats au bout de deux ans au minimum.
Ceci étant, il faut remarquer que les crises sont un facteur d'accélération de l'innovation, et que les moyens d'accès aux technologies et aux idées s'améliorent ou se démocratisent. Les outils de production modernes raccourcissent les périodes de mise au point et de lancement des fabrications. Le lancement d'offres et de gammes entièrement nouvelles peut être désormais assez rapide, en tout cas dans un délai inférieur à deux ans, pour bien des secteurs et des produits.
Ce qui caractérise ces innovations plus fondamentales est à la fois une allocation plus généreuse du temps de développement mais aussi l'ampleur des moyens mis en ouvre et par conséquent le montant de l'investissement exigé. Les entreprises fragilisées par la crise sont donc tenues d'être extrêmement sélectives dans le choix de leurs projets de développement.
Les quelques projets à retenir sont ceux à fort potentiel ou avec de bonnes perspectives de croissance. Les coûts prévisibles pour le développement, la mise sur le marché, la production et le fonctionnement sont à étudier soigneusement. Le choix d'un secteur dans lequel l'entreprise disposera d'avantages concurrentiels paraît judicieux.
L'objectif de ces programmes est d'armer l'entreprise pour le monde d'après crise, dans lequel la donne aura changé. En particulier les aspects d'économie circulaire, de recyclage, de développement durable, d'écologie sont à prendre en compte. L'image de l'entreprise, dont ses ventes dépendent, bénéficiera en effet de son positionnement face à ces problématiques, et de sa capacité à communiquer sur ce plan.
Les innovations de fond englobent également les changements en profondeur dans l'organisation de l'entreprise. Des chaines d'approvisionnements mieux réparties horizontalement et diversifiées deviennent plus robustes. Les structures sont pensées pour pouvoir affronter l'incertitude, et surmonter les crises qui se reproduiront probablement dans le futur. Les ressources humaines constituent le capital le plus précieux, et l'accent est mis sur le recrutement et la formation, ainsi que sur l'implication de l'ensemble du personnel dans le processus d'innovation.

L'entreprise a intérêt à se consacrer à ces trois catégories d'innovation quasi simultanément, même si chaque cas est particulier. Les innovations de relance de l'activité et de déblocage des problèmes directement dus à la crise sont logiquement prépondérantes pendant les premiers mois de la crise. Les innovations d'optimisation de l'offre, d'efficacité, de rentabilité se déploient dès le départ : il s'agit des gains faciles. Mais elles peuvent se complexifier et s'intensifier une fois les premiers obstacles contournés et l'activité courante rétablie.
Pour les innovations majeures ou véritablement originales et créatives, une phase de réflexion préalable est sans doute à envisager pour voir comment les choses tournent, et comment insérer son offre dans le mouvement général. Il serait dommageable cependant de trop attendre au risque de ne pas saisir des opportunités qui se présenteraient. S'engager dès que possible dans la préparation d'innovations ayant vocation à devenir décisives, pourrait donner une longueur d'avance à l'entreprise une fois la crise passée.

A quels modes d'innovation recourir ?

L'innovation pratiquée de façon traditionnelle dans l'industrie est un processus assez lourd et rigide, qui immobilise des fonds importants pendant longtemps. Les décisions se prennent du sommet vers la base, la rapidité de réaction n'est pas idéale en période mouvementée où les tendances de la demande à court ou moyen terme sont difficiles à prévoir. Ce mode d'innovation habituel continue de se justifier parfaitement dans certaines situations. En période de crise, il semble quand même opportun de se poser des questions sur la méthode et de chercher d'autres voies, plus agiles ou plus adaptées aux restrictions de ressources et à un environnement instable ou mouvant. C'est peut-être le moment de réfléchir à des modes d'innovations comme l'innovation frugale, le design thinking et lean startup.

Innovation frugale

"L'innovation frugale est une démarche consistant à répondre à un besoin de la manière la plus simple et efficace possible en utilisant un minimum de moyens. Elle est souvent résumée par le fait de fournir des solutions de qualité à bas coût ou d'innover mieux avec moins."3. L'origine de la méthode vient du mot indien Jugaad qui signifie à peu près "débrouillardise ou capacité ingénieuse d'improviser une solution efficace dans des conditions difficiles"
L'innovation frugale est pratiquée dans des pays d'Afrique et d'Asie où les ressources sont limitées, elle est connue dans les pays occidentaux surtout depuis la publication par Navi Radjou d'un livre: "Jugaad Innovation" en 2012. Les entreprises des pays développés pourraient profiter de la période de crise pour s'inspirer des méthodes des entreprises des pays émergents.
Ce qui rend cette démarche particulièrement appropriée à l'époque actuelle, c'est qu'elle permet de faire vite, à moindre coût, en évitant la sur-qualité et en se recentrant sur ce qui est vital pour les clients. Il ne s'agit pas de produits "low-cost", mais plutôt de produits sobres de bonne qualité, simplifiés et fiabilisés. Ils sont moins chers et plus accessibles, et touchent ainsi un public élargi. Il faut préciser ici que les normes et règlementations nombreuses constituent aujourd'hui quelquefois un obstacle à l'innovation frugale et agile ; la crise pourrait être l'occasion d'une avancée en ce domaine.
Beaucoup d'autres aspects de l'innovation frugale peuvent être cités : se servir des contraintes et de l'adversité pour innover, utiliser les ressources disponibles d'une manière nouvelle et recombiner des moyens par utilistaion de la flexibilité, s'inspirer des solutions ayant déjà fonctionné ailleurs, ouvrir la recherche sur l'extérieur : partages et coopérations interentreprises comme dans l'open innovation.
L'innovation frugale a aussi une dimension humaniste : l'innovation doit avoir impact positif sur la société en général, et contribuer à créer une économie dite régénératrice qui sera inclusive, plus généreuse, et avec moins de conséquences sur l'environnement.

Design thinking et lean startup

Les deux méthodes d'innovation design thinking et lean startup semblent a priori complémentaires et pertinentes en matière de projets d'innovation pragmatiques et adaptés à une période de crise. La première s'attache surtout à définir les besoins en se rapprochant des clients, et la seconde expérimente la validité de concepts les uns après les autres par un processus itératif incluant les clients. Les deux méthodes ont pour objectif d'élaborer des produits et des services, qui trouvent leur marché car ils sont parfaitement adaptés à la demande, avec un investissement initial aussi limité que possible.

- Le design thinking est "une discipline qui utilise la sensibilité, les outils et méthodes des designers pour permettre à des équipes pluridisciplinaires d'innover en mettant en correspondance attentes des utilisateurs, faisabilité technologique et viabilité économique" 4. L'innovation design thinking s'appuit sur trois principes : adéquation avec les besoins des utilisateurs, faisabilité technique et rentabilité.
La méthode a pour but de stimuler la créativité, en combinant les différentes compétences dans l'entreprise, pour trouver des idées de solution à un problème, idées qui seront sélectionnées et testées promptement à l'aide de prototypes. En promouvant une culture plus collaborative, basée sur l'intelligence collective et la créativité qui sort "des cadres de pensée dominants", le design thinking a toute son utilité dans une stratégie de réponse à la crise.

- Le lean startup décrit par Eric Ries dans son livre du même nom, est une méthode qui s'applique à la création d'une nouvelle société ou d'un nouveau produit. Il s'applique un peu en aval du design thinking, l'idée du produit étant déjà assez bien précisée.
Eric Ries recommande la création d'un produit minimum viable (MVP) avec des processus rapides basés sur des technologies modernes mais peu coûteuses (agile), puis la validation du prototype / MVP par les utilisateurs finaux. Les informations recueillies sont alors utilisées pour améliorer le produit et refaire un nouveau cycle de mise sur le marché. La philosophie de la méthode est qu' "il vaut mieux agir maintenant de manière imparfaite que d'attendre d'être parfait pour agir". La possibilité de changer de cap - de pivoter - en cours de projet limite les risques et convient bien pour entreprendre dans l'incertitude.

La crise sanitaire actuelle est un défi de taille pour l'innovation design thinking et lean startup, les choses ne sont plus toujours réalisables de la même manière en période de distanciation physique.
Les désirs et besoins des clients se sont modifiés avec la crise, il faut donc pouvoir comprendre ces évolutions, ou même les anticiper. Connaître ce que pensent les utilisateurs suppose de garder une certaine proximité avec eux. Obtenir des retours rapides des utilisateurs dans la phase de test, et les analyser, nécessite des contacts et des échanges.
Trouver des solutions, des concepts, et étudier leur implémentation technique, implique des interactions humaines nombreuses et des partages d'information entre les innovateurs, les techniciens.
La collaboration à distance, les réunions virtuelles des équipes d'innovation, les outils de communication numériques comme les messageries, les visioconférences, les plateformes collaboratives et services en ligne divers font que les structures d'innovation continuent de fonctionner et les idées continuent de circuler librement. Bien sûr cela nécessite un équipement et une adaptation des méthodes de travail. Les solutions de travail à distance existaient déjà avant la crise, leur implantation a simplement été accélérée.
La communication avec les utilisateurs à toutes les étapes de la création ne pose guère de problème s'il s'agit de solutions en ligne. Par contre pour les produits physiques, matériels, les contacts avec les clients et l'analyse de leurs réactions risquent d'être un peu plus difficiles ou longs à obtenir. Selon certains cela permettra de consacrer plus de temps au design et la conception des produits.
L'innovation frugale, le lean startup et le design thinking sont bien toujours d'actualité.


En conclusion, la leçon des crises précédentes est que l'innovation joue un rôle important dans la reprise. Les entreprises qui n'ont jamais réduit leur effort dans ce domaine, malgré les restrictions budgétaires inévitables, se sont retrouvées avantagées par rapport à la concurrence après les crises, tant en chiffre d'affaires qu'en rentabilité.
Il faudrait donc éviter le plus possible un excès de pessimisme, de conservatisme ou de repli sur soi, en réaction au choc causé par la crise et face à une incertitude il est vrai assez générale et probablement durable. Garder une vision du futur teintée d'un optimisme raisonné, et entreprendre obstinément une démarche active d'innovation, hors des sentiers battus, serait le plus payant à terme.
Pour finir, deux citations :
"Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible." Antoine de Saint-Exupéry
"La meilleure manière de prédire l'avenir est de le créer." Peter Drucker



1 "Dans le contexte de sortie de crise, renforcer la capacité d'innovation est aujourd'hui l'investissement le plus rentable" - Marc Giget - 2 juillet 2020 - www.directeur-innovation.com
2 "L'innovation en temps de crise : agir autrement" - Les Echos 15 avril 2013
3 Wikipedia
4 Tim Brown, Design Thinking, Harvard Business Review, 2008



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