07/08/2020
Stratégie de prix en période de crise
La pandémie du COVID-19 s'accompagne d'une récession dont l'ampleur n'est pas encore bien mesurée.
Dans ces conditions économiques assez difficiles on peut s'interroger sur la stratégie que les entreprises peuvent suivre pour maintenir le plus possible
leur niveau d'activité, leur marges et assurer leur survie.
Selon les produits et les marchés, la demande a changé, elle a souvent baissé, mais parfois elle est devenue au contraire plus forte pour certains produits
absolument nécessaires. De même l'offre connaît des variations imprévisibles, avec des difficultés ou des ruptures plus ou moins durables dans les chaînes
d'approvisionnement.
Une réaction prévisible des entreprises ayant subit un arrêt total ou partiel d'activité, serait d'essayer de rattraper le retard en privilégiant le volume des ventes
au détriment de leurs prix et de leurs marges. Est-ce qu'une baisse importante des prix est une tactique adaptée pour augmenter la demande ? Quels sont les écueils
à éviter pour que les mesures prises soient efficaces sans compromettre la situation financière de l'entreprise, son image et la qualité de ses relations avec ses clients
ou les possibilités de retrouver des marges suffisantes une fois la crise passée ?
Faut-il baisser les prix pour augmenter la demande ?
La première question à se poser est de savoir comment évolue la demande, par produit, par type de client ou de marché. En période de crise, les choses peuvent évoluer
très rapidement, la volatilité de la demande est forte. Les clients deviennent plus sensibles à la variation des prix, et ils s'informent de plus en plus
des prix du marché en recherchant sur Internet, et les comparateurs de prix.
Il existe des systèmes perfectionnés, basés sur les technologies de l'information, qui permettent de collecter et d'analyser de grandes quantités de données pour
estimer les variations de la demande, des prix du marché et de la sensibilité aux prix. Il est alors possible de mettre en place une tarification dynamique qui exploite
au mieux les variations à court terme de la demande, et qui permet de s'adapter immédiatement à l'évolution des marchés.
Cependant la mise en place de tels systèmes n'est pas aisée en période normale car elle suppose souvent un changement d'organisation, et elle est donc encore plus
difficile lorsqu'il faut gérer en même temps d'autres problèmes liés à la crise.
Sans chercher la perfection, les entreprises peuvent utiliser un système de collecte de données, mises à jour en continu, sur les résultats par produit, les clients,
les marchés, la concurrence etc. qui fournit aux décideurs les informations nécessaires pour les modifications de prix de vente. Il est en effet primordial de connaître
la réalité du terrain comme les réductions de tout type que l'entreprise concède déjà, via les différentes remises et tarifs préférentiels, les variations des prix des
composants et matières que l'entreprise achète, les risques que la concurrence ne réagisse et qu'une guerre des prix ne se déclenche.
Un point essentiel est de choisir la baisse de prix qui aura le plus d'impact possible sur la demande : pour quel montant, quelle durée, quels produits et
quels clients. La capacité de l'entreprise à satisfaire cette demande dans de bonnes conditions est aussi à prendre en compte : contraintes financières, de production
ou d'approvisionnement.
La baisse raisonnée des prix peut effectivement être une solution efficace pour redémarrer une activité ou survivre dans une période troublée, mais elle est à
pratiquer avec prudence, en disposant d'un maximum d'informations sur la réaction prévisible du marché, et avec rigueur dans l'exécution.
Par ailleurs pour éviter que les prix faisant l'objet d'une baisse ne puissent plus être facilement réaugmentés dans le futur, il serait envisageable de faire savoir
que la baisse du prix est liée à une situation exceptionnelle, ou de poser des restrictions dans la durée de l'offre à prix réduit, ou de demander des contreparties comme
un engagement de commandes régulières.
Dans quelle proportion faut-il baisser ses prix ?
Beaucoup de produits sont peu sensibles à la variation du prix, a fortiori s'il s'agit d'une variation modeste. De plus, une baisse des prix se propage facilement à tout
un secteur et se traduit donc en général par une baisse des recettes globales de ce secteur. C'est pourquoi la réduction du prix n'est pas toujours la bonne solution.
Toutefois une entreprise non leader sur son marché, peut consentir une baisse de ses prix afin d'accroître sa part de marché, mais il faut que ce soit
une réduction significative ou perçue comme telle par les clients, faite sans précipitation et de façon bien ciblée.
Il peut être judicieux de faire des promotions sur les produits qui ont encore un potentiel de croissance, ou pour lesquels le coût de revient est bien maîtrisé, afin
que les réductions ne pèsent pas trop lourd sur l'équilibre financier et restent viables à moyen terme.
Dans le cas où l'entreprise a beaucoup de contacts avec ses clients, des avantages conséquents de prix peuvent être accordés par un examen au cas par cas.
Si ces avantages sont dès le départ compris comme étant temporaires et aussi s'ils sont indispensables pour conserver ces clients (voire pour que ceux-ci
survivent), ils sont alors justifiables. Il est certain qu'il faut bien s'informer de la situation ses clients pour connaître toutes les implications de la crise actuelle,
parfois encore mal cernées dans leur intégralité.
Ceci étant, quelle serait l'ampleur d'une réduction de prix nécessaire pour réaliser une vente dans un marché en récession ?
Les clients, dans l'incertitude du délai à prévoir avant un retour à la normal, ont remis à plus tard leurs achats et leurs investissements.
Il est difficile de prédire avec exactitude quelle baisse de prix suffirait à les faire changer d'avis, mais connaître le point d'inflexion à partir duquel le niveau de
prix d'un produit ou d'un service déterminé devient une incitation suffisante à l'achat est primordial. Une baisse trop forte entraînerait une perte relative de revenu,
une baisse trop faible serait sans effet et donc serait une perte "sèche".
Des études de marché, l'expérience, l'utilisation de différentes techniques basées sur l'exploitation des données, les simulations, le machine learning et le big data,
sont à même de fournir des réponses : baisse de 10%, 30% ou 50% ? La prudence et la réactivité en la matière sont en tout cas de mise au vu des enjeux.
Stratégies alternatives pour maintenir les ventes et le résultat net
Un argument contre les réductions de prix et rabais est qu'il convient de protéger ses marques, particulièrement en temps de crise, car ce sont elles qui garantissent
le mieux les marges futures. Savoir résister à la pression du marché et ne pas baisser ses prix de manière impulsive ou inconsidérée est un gage de survie dans
les temps difficiles.
C'est pourquoi d'autres voies sont à étudier pour faire face à une crise de la demande dont la durée n'est pas prévisible à ce stade.
A partir de la compréhension de l'évolution des besoins et des comportements des clients pendant la crise, l'offre peut être adaptée, en jouant sur d'autres
aspects que les tarifs et des réductions de prix pures et simples.
Facturer les produits en fonction de leur utilisation
En période d'incertitude, le fait pour un client de n'être facturé qu'en fonction de son utilisation effective d'un service ou d'un produit est rassurant
et facilite la vente.
Une autre option est de lier le montant facturé aux résultats obtenus par le client.
Ajouter des prestations ou des produits annexes gratuits
Pour des produits complexes, la formation à l'utilisation a un coût : la gratuité est une donc une incitation à l'achat.
Un logiciel peut être vendu avec un autre logiciel complémentaire gratuit, il peut s'agir d'un nouveau produit gratuit.
D'autres exemples seraient faciles à trouver. Cette technique est intéressante pour des entreprises
dont le coût de revient marginal des produits est faible, et qui cherchent avant tout à couvrir leurs coûts fixes.
Bundles / stratégie de packages
Un ensemble de produits ou de services sont vendus à un prix inférieur au total des prix des éléments vendus séparément. L'acheteur à l'impression de faire
une bonne affaire, alors que le vendeur peut ainsi réaliser plus de ventes, et en particulier pour certains produits devenus plus difficiles à vendre seuls depuis
le début de la crise.
Négocier des contrats pluriannuels, développer les abonnements
En négociant, parfois en échange d'une réduction plus ou moins forte du prix, il est possible d'obtenir l'engagement de clients sur un plus long terme.
Bien sûr ce n'est pas forcément facile dans une conjoncture troublée. Mais c'est réalisable si les clients y trouvent un avantage, ou s'ils tiennent à ce
que leur fournisseur puisse continuer son activité.
Offrir des quantités supérieures pour le même prix
Entre accorder une remise de 20% sur le prix d'un produit, ou bien vendre le produit avec une quantité de 20% supérieure pour le même prix, l'impact est équivalent sur
la perception du prix et souvent la décision d'achat, tout en revenant moins cher à l'entreprise (qui ne supporte que le prix de revient des 20% de produit supplémentaire).
Un produit offert pour un ou plusieurs autres achetés est aussi une stratégie à envisager.
Adapter les conditions des contrats
Lors d'une récession, de bonnes relations avec les clients peuvent être maintenues sans avoir à baisser les prix, si des concessions sont faites par exemple
sur les quantités minimales de commandes, les garanties accordées ou les possibilités de retours/remboursement. L'amélioration des conditions financières autres
que les ristournes, comme le crédit ou les délais de paiement, sont aussi à étudier.
Autres stratégies de développement
Pendant la crise, les entreprises doivent essayer de faire preuve de créativité pour continuer de se développer et d'exister. L'acquisition de nouveaux clients doit
rester une priorité. Par exemple, le lancement d'offres avec une période d'essai gratuite, ou le lancement de versions plus simples et moins onéreuses de produits
existants peuvent permettre de toucher de nouveaux segments de clientèle.
Produits à forte demande : faut-il augmenter les prix ?
La logique de l'avant-crise continue de s'appliquer dans la plupart des cas. Les prix sont à ajuster en fonction de l'évolution du marché, y compris à la hausse.
D'un point de vue économique cela se justifie : les hausses représentent souvent la répercussion de l'augmentation du prix des matières et composants, et des difficultés
de production et logistiques rencontrées. Elles permettent aussi d'ajuster la demande, et de canaliser les ressources vers les secteurs dynamiques.
Mais toute hausse des prix, même dans le cas d'une forte demande, risque d'être limitée par les contraintes économiques : chaînes d'approvisionnement en rupture ou
en réorganisation, nouvelles normes sanitaires, ressources financières déclinantes des acheteurs.
Si des entreprises trouvent néanmoins l'occasion de pratiquer des hausses de prix, des précautions sont à prendre, compte tenu des circonstances particulières.
Tout d'abord, il est conseillé de communiquer sur les causes de l'augmentation des prix, et de suivre le mouvement général des autres entreprises, pour que les hausses
soient comprises par les clients, et pour éviter qu'ils aient une réaction négative.
Il est important de ne pas profiter d'une situation exceptionnelle et d'une position de force temporaire pour pratiquer des prix excessifs, que les clients seraient
obligés d'accepter.
Pour certains clients, cela s'apparenterait à de l'extorsion, l'image de l'entreprise en pâtirait et les conséquences sur les ventes futures seraient dommageables.
Sans parler des abus à éviter sur les produits du secteur de la santé liés à la crise Covid-19. Il y a aussi bien entendu les éventuelles répercussions sur les réseaux
sociaux, et les règlementations à respecter.
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